Promouvoir une adoption durable de l’artésunate injectable
2016 : Alexis Kamdjou, Responsable des activités de liaison pays et approvisionnement de MMV, Cameroun
Le paludisme grave tue approximativement 438.000 personnes chaque année dans le monde, dont environ 70% sont des enfants de moins de 5 ans.1 En 2011, l’OMS a recommandé l’artésunate injectable (AS Inj) comme traitement de première intention pour le paludisme grave, car ce médicament sauve plus de vies que la quinine.2,3 En prévision de ce changement de politique et pour améliorer l’accès à ce médicament, MMV (Medicines for Malaria Venture) s’est associé à Guilin Pharmaceutical pour les aider à obtenir la préqualification de l’OMS en 2010 pour leur produit d’AS Inj – Artesun®.
MMV s’est ensuite rapidement mis au travail pour améliorer l’accès à l’AS Inj au Nigeria et dans la République Démocratique du Congo, deux pays dont le fardeau du paludisme est parmi les plus élevés au monde. Fort de cette expérience, MMV a créé un consortium sur le paludisme grave réunissant CHAI (Clinton Health Access Initiative) et Malaria Consortium (MC) pour mettre en œuvre le projet ISMO (Improving Severe Malaria Outcomes), et dirigé par MMV. En 2013, le projet a reçu une subvention d’UNITAID pour poursuivre l’élargissement de l’accès à l’AS Inj au Nigeria et dans cinq autres pays d’Afrique avec un fardeau élevé (Cameroun, Éthiopie, Kenya, Malawi et Ouganda).
Alexis Kamdjou travaille avec des équipes dans ces six pays pour fournir un support technique et analytique pour la mise en œuvre du projet ISMO financé par UNITAID. Avec la fin proche de la subvention de 3 ans pour le projet, Alexis parle de ses expériences et des enseignements tirés.
1. Le projet ISMO devant prendre fin mi-2016, quelles ont été ses réalisations ?
Dans les six pays du projet ISMO, l’artésunate injectable représentait 99,5% des traitements fournis au secteur public en 2015 (contre 16% en 2013), la quinine représentant 0,5%. Depuis décembre 2015, en moyenne 85,5% des patients ont été traités par l’artésunate injectable, contre 4,5% par la quinine. À eux seuls, ces chiffres confirment l’amélioration majeure du traitement du paludisme grave mise en évidence pendant la durée du projet ISMO. Cette amélioration s’est déroulée en plusieurs étapes clés.
Premièrement, grâce à CHAI et MC, nous avons pu assurer la mise à jour des politiques thérapeutiques dans tous ces pays.
Deuxièmement, nous avons formé plus de 18.000 agents de santé dans plus de 1.650 établissements de santé – approximativement 50% de plus que l’objectif initial. Grâce à cette formation, nous avons pu étendre la prise en charge du paludisme grave au-delà des grands hôpitaux.
Troisièmement, malgré les limitations initiales des systèmes de quantification des besoins médicaux des pays, nous avons réussi à quantifier les quantités nécessaires de médicaments en fonction des besoins, évitant ainsi pratiquement toute rupture de stock dans les entrepôts centraux de produits médicaux.
Et finalement, nous avons cherché à diversifier les sources d’AS Inj de qualité, et nous avons identifié des fabricants supplémentaires prêts à obtenir la préqualification par l’OMS, ce qui nous permettra de garantir la compétitivité et renforcera la sécurité des approvisionnements sur le marché.
2. Quels sont les enseignements tirés ?
Nous avons recueilli une foule d’enseignements qui pourront être appliqués à d’autres projets :
Lors de la mise en œuvre d’un nouveau projet sur la santé, il faudra tenir compte des délais administratifs des ministères de la santé, car il a fallu en moyenne 4 mois aux pays pour examiner et signer les protocoles d’accord.
Même si vous apportez des médicaments cruciaux qui sauvent des vies dans les pays, il est possible que vous deviez payer des droits de douane ou demander les dérogations appropriées.
En ce qui concerne la quantification d’un produit lancé récemment, des données épidémiologiques peuvent être utilisées comme base pour les premières estimations, mais les chiffres seront plus précis s’ils s’appuient sur un suivi de la distribution dans les établissements de santé après les premières livraisons.
Avant que vous ne déterminiez vos indicateurs de suivi et d’évaluation, vous devez vous assurer que des systèmes nationaux de recueil des données efficaces sont en place. La création de systèmes parallèles à court terme pour recueillir des données juste pour les projets financés par des donateurs n’est pas une solution optimale.
La formation est un aspect clé qui est le plus efficace lorsque les médicaments sont déjà disponibles. Lorsque les personnes sont bien formées, elles sont plus à l’aise pour utiliser les médicaments.
3. Comment avez-vous vécu votre participation au projet ISMO ?
La collaboration avec nos partenaires de mise en œuvre CHAI et MC, notre agent d’approvisionnement Missionpharma, et le fabricant du médicament Guilin a été une expérience d’apprentissage collaboratif fantastique. C’était aussi très gratifiant de travailler en étroite collaboration avec le Fonds Mondial et PMI (President’s Malaria Initiative) pour harmoniser nos activités d’approvisionnement.
Mon sentiment général est extrêmement positif. Les agents de santé qui ont utilisé l’AS Inj étaient tous très satisfaits de leur expérience avec ce médicament. Par ailleurs, nous avons déjà reçu un retour d’UNITAID, le principal bailleur de fonds pour ce projet, confirmant l’effet catalyseur du projet ISMO, conformément à ses objectifs de départ. Je pense que lorsque les utilisateurs finaux et les donateurs sont satisfaits, l’équipe du projet peut être heureuse!